MUSEOSCOPIES
MUSEOSCOPIES
Série en cours réalisée au Rijksmuseum d’Amsterdam et au Musée Archéologique d’Athènes
Dans une de ses nouvelles intitulée Le Suaire de Véronique, l’écrivain Michel Tournier nous conte l’histoire d’une portraitiste tellement éprise de son modèle qu’à force de le photographier elle l’épuise littéralement jusqu’à sa totale disparition physique.
Cette idée que la photographie, profondément prédatrice, pouvait a chaque prise ôter de la matière à ce qu’elle photographie, j’y pense à chacun de mes voyages en observant ces hordes de touristes (et je ne m’en exclue pas) se prendre en photo sur toile de fond des pays qu’ils visitent et finissent par ne percevoir qu’a travers l’objectif de leur appareil de prise de vue.
Manière de s’approprier, par l’acte photographique, un territoire qui ne leur appartient pas mais dont ils pourront dire en rentrant de vacances : « Voyez, cet été on s’est fait la Grèce, l’an prochain on compte bien se faire l’Italie ».
Le tourisme de masse fait de chacun de nous un conso-mâteur de paysages et le présent ne s’alimente plus aux sources du passé pour s’en enrichir mais pour le vider jusqu’à l’effacement de toute sa substance.
Et si tous ces souvenirs de voyages, trop mal perçus, se dérobaient à leur tour sous nos pas trop pressés pour se révéler n’être que le seul désir de réduire le monde à notre image …
Il existe en Grèce, une île où se mêlent fiction et réalité : Ithaque. Dans l’Odyssée elle est le pays d’Ulysse qu’il a quitté pour la guerre de Troie , et sur laquelle il finit par revenir contre dieux, vents et marées, et après bien des péripéties d’un véritable voyage initiatique. Mais aucun des hellénistes distingués et autres archéologues, s’appuyant sur les descriptions pourtant précises d’Homère, n’ont jamais réellement réussi à s’accorder sur sa localisation. C’est donc une île qui répond parfaitement au concept d’Utopie (sans lieu) , ou, comme le suggérait le poète Cavafy, sans autre réalité que cette tension pour l’atteindre, entièrement contenue dans l’expérience intérieure du voyage.
Cette terre, j’ai donc cherché à la réinventer en installant des micro-paysages de fiction sur l’Ile Ionienne répondant sur les cartes au nom d’Ithaque. Puis, histoire de prendre au pied de la lettre sa dimension utopique, j’ai projeté sur ces sites photographiés mes propres légendes.
Dominique ROUX
Ces vestiges de la période classique (Vème siècle avant JC ) ne sauraient être le palais d’Ulysse puisque Homère écrivit l’Odyssée aux alentours du VIIIème siècle avant J.C. (période dite archaïque). Mais suite à de nombreuses fouilles effectuées sur la colline de Pilikata , certains archéologues estiment que c’est en lieu et place de la demeure d’Ulysse que se serait élevé ce temple d’Apollon du plus pur style dorique.
Vue prise du sommet d’une des falaises, qui domine au nord la baie de Vathi, capitale actuelle de l’île (2800 habitants) . Selon Victor Bérard il s’agit de l’ancien Phorkys où les Phéaciens déposèrent sur la plage Ulysse endormi .
« Le vieillard de la mer, Phorkys, a dans les champs d’Ithaque un de ses ports. Deux pointes avancées, qui dressent face à face leurs falaises abruptes, rejettent au dehors les colères du vent et de la grande houle. » (Odyssée XIII, 96-100)
Petit village croquignolet dans les lumières « d’aurore aux doigts de rose ».
C’est à cet endroit que selon une version apocryphe de l’Odyssée, la déesse Calypso, follement amoureuse d’Ulysse depuis son séjour en son île d’Ogygie, aurait rejoint son amant après son retour à Ithaque . Et notre héros de couler des jours heureux entre la déesse immortelle et la mortelle Pénélope…
« On y trouve de nombreuses possibilités de se loger « chez l’habitant » Sur la falaise en bordure de la mer un petit restaurant tenu par un couple sacrifiant à la déesse Lesbos : « Chez Pénélope et Calypso » (ça ne s’invente pas !!!). Excellent accueil et bon rapport qualité prix » .(Le Guide du R…)
La fameuse terre rouge d’Ithaque s’avère excellente pour la culture de la vigne mais aussi du lotos. De nombreux petits propriétaires cultivent en toute liberté cette drogue dont les effets ne se font sentir que sur place, la rendant impropre à l’exportation . Ces plantes qui se mangent, se fument ou se distillent dans l’ouzo produisent une merveilleuse sensation d’euphorie liée au simple plaisir d’être pleinement là et le désir d’y demeurer. Par contre une fois quittée l’île et ses lotos, le manque plonge dans une profonde nostalgie le voyageur qui n’a de cesse que d’y revenir.
Le haut plateau rocheux qui occupe toute la moitié sud d’Ithaque se termine par des falaises qui offrent au pied de leurs abrupts d’assez bons abris sous roche, protégés du Borée, c’est-à-dire du vent du Nord. C’est là que Victor Bérard localise la Pierre du Corbeau, cependant que non loin de là, la source Parapigadi, toujours utilisée par les habitants d’alentour, parait être la source Aréthuse du poète.
Athena à Ulysse : » Il faudra tout d’abord t’en aller chez Eumée, le chef de tes porchers : il te garde son cœur ; il chérit ton enfant, ta sage Pénélope ; c’est près de ses pourceaux que tu le trouveras . Ils ont leurs tecs au bord de la Pierre au Corbeau, sur la source Aréthuse »
(Odyssée.Chant VIII ,401-408)
Malgré la richesse de sa mythologie, Ithaque s’est peu développée sur le plan touristique. C’est ce qui la protège entre autre des sombres réalisations immobilières que l’on peut trouver sur d’autres îles ioniennes. Pourtant depuis quelques années on constate sur la côte Ouest qui domine le canal d’Ithaque quelques constructions à vocation touristique qui fort heureusement ont su respecter l’architecture locale et dont l’alignement n’est pas sans évoquer un des exploits d’Ulysse : l’épreuve du tir à l’arc.
« Il l’ajusta sur l’arc, prit la corde et l’encoche et, sans quitter son siège, il tira droit au but. D’un trou à l’autre trou, passant toutes les haches, la flèche à lourde pointe sortit à l’autre bout »
(Odyssée Chant XXI, 415-420)
Ici, sur le plus haut sommet d’Ithaque, le Mont Neritos (800 mètres) se dresse le temple de Zeus construit en 432 avant J.C. par Ictinos et Callicrates, les architectes du Parthénon d’Athènes.
Il est étonnant de constater que les vestiges de l’époque classique ont mieux résisté au terrible tremblement de terre de 1953 que l’architecture vénitienne dont il ne reste presque plus trace.
Petite église orthodoxe du village de Nausicaios sur les pentes du Mont Neritos qui domine le Nord de l’île. C’est sûrement le meilleur endroit d’Ithaque pour assister à un de ces merveilleux lever de soleil célébrés par Homère tout au long des chants de l’Odyssée :
« Et quand parut Aurore aux doigts de rose qui naît de bon matin… »
Cette architecture typiquement Ithaquienne, qui tient du phare sans lumière et du moulin sans ailes, domine la baie de Port Polis, que Victor Bérard considère comme le port de la cité d’Ulysse.
« Ulysse s’éveillait de son premier sommeil sur la terre natale, mais sans la reconnaître après sa longue absence ; car Athéna, cette fille de Zeus, avait autour de lui versé une nuée, afin que, de ces lieux, il ne reconnût rien et qu’il apprit tout d’elle »
(Odyssée, Chant XIII, 210-215)
Au Nord Ouest de l’île, le petit village de Lotofaghia situé sur le domaine supposé de Laerte (père d’Ulysse) entouré de ses champ de lotos qui descendent jusqu’à la mer.
D’après la légende, Ulysse implanta lui-même à Ithaque la culture du lotos, cette drogue que ses compagnons mangèrent chez les Lotophages : « Or , sitôt que l’un deux goûte à ces fruits de miel, il ne veut plus rentrer ni donner de nouvelles » (Odyssée Chant IX, 100-102)
Toujours est-il que le lotos en vente libre sur l’île (ses effets ne se font sentir que sur place) plonge le voyageur dans le simple bonheur d’être là… à n’en plus bouger.
Vue prise au dessus du petit village de Polyphémia qui domine l’îlot de Parapigadi (Sud Est d’Ithaque). C’est ici que, d’après Victor Bérard, Ulysse aurait retrouvé son fidèle porcher Eumée et son chien Argos qui fut le premier à reconnaître son maître après vingt ans de séparation.
« C’est là qu’Argos était couché, couvert de poux. Il reconnut Ulysse en l’homme qui venait et, remuant la queue, coucha les deux oreilles : la force lui manqua pour s’approcher du maître »
(Odyssée, Chant XVII, 300-304)
Ceci n’est pas mon corps
Dans le chœur de la chapelle : Reconstitution d’une salle d’opération. Structure métallique (3m x 3m . hauteur 2m50) entourée de voile blanc. Au centre, une table d’opération sur laquelle est projetée à la verticale sur le ventre d’un mannequin une vidéo de 16 minutes : des mains gantées de chirurgien se livrent à une simulation d’opération . Petit à petit par un glissement progressif l’acte chirurgical se transforme en préparation culinaire pour se terminer par une sorte de repas ou de Cène.
Au fond du choeur : une photographie intitulée : « Mise en (s)Cène » (120cm x 80cm). Cette œuvre est une réinterprétation de la Cène de Léonard de Vinci réalisée dans la salle d’anatomie pathologie de la faculté de médecine de Toulouse. Dominique Roux y revisite par l’autoportrait tous les protagonistes de la Cène en transposant l’univers religieux dans l’univers chirurgical.
Série « Champs opératoires » : (De part et d’autre de la « Cène ») Confrontation du champ photographique et du champ opératoire qui lors des opérations fragmentent et délimitent la zone de travail jusqu’à l’abstraction. Il s’agit de 12 « natures mortes / vanités » où des mains gantées de chirurgie travaillent différentes matières désignées comme des « cycles » (cycle de la chirurgie, cycle des os, cycle du sang, cycle de l’eau, cycle des instruments, cycle de la chimie, cycle de l’électricité, cycle de l’magerie … etc.…) Chaque image 50×65 cm contrecollée sur aluminium est accompagnée de textes qui mêlent le discours médical et le discours religieux, et entremêlent le profane et le sacré, le scientifique et le trivial.
Châpelle des Minimes, Perpignan
Galerie VraiRead More
Nihil quaeque moderatius quo ut, eu vix noster fierent postulant. Est ut magna tation, nec timeam tractatos dissentiunt id, ne integre albucius eam. Animal docendi efficiantur ut eam. Malis nonumy mediocritatem mea an.
Je suis parti de la constatation que notre postmodernité, dans son désir de rechercher de nouvelles lectures de l’histoire de l’art n’hésite pas à transgresser les sacro saintes lois de la chronologie et à se jouer du respect du aux œuvres culturelles du passé en proposant la confrontation anachronique entre les lieux de mémoire et les productions contemporaines .
Ces postures artistiques reprenant dans le champ de l’art ce qui se jouait hier dans le domaine du répertoire théâtral produisent souvent des phénomènes de contamination riches de sens.
J’ai donc décidé dans cette nouvelle série de jouer non pas avec la confrontations d’œuvres mais de partir des personnages et situations présentes dans les peintures des grands maîtres pour, par différents types de déplacements , interroger notre présent. Cités à comparaître hors de leur contexte, là où on les attend le moins, les voici devenus les acteurs d’autres pièces, les figurants de nouvelles scènes.
« A l’initiative de l’Association Biz’art populaire Dominique Roux propose pendant la manifestation d’art contemporain du Printemps de septembre une vision très personnelle de « l’insomnie ». En 10 images tirées sur bâches de 180X120cm et fixées sur les anciens remparts de Toulouse dans les Jardins Raymond VI, il nous plonge dans un monde fait d’obsessions, de citations artistiques, de détournements d’objet, tout un univers qui peuple ses nuits blanches »
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